...ou comment prendre subitement conscience de sa dépendance !
Après deux ans et demi passés à
manger ma purée et à presser mon jus de pamplemousse au-dessus de mon
ordinateur, celui-ci m’a subtilement fait comprendre, à base de
« scrouick » et autres « fatal error », qu’il appréciait
plus que modérément ce traitement.
Aussi, lorsque la touche
« e » se fut détachée du clavier pour adhérer à mon majeur gauche, je
convins qu’il était temps d’agir.
Je laissais donc l’agonisant chez
un réparateur, qui me gratifia d’un « vous ne devriez pas donner à manger
à votre enfant si près de votre ordinateur ». No comment. J’avais la ferme
intention de mettre cette phrase en statut Facebook dès mon retour chez moi.
Sauf que je n’avais plus
d’ordinateur. Que je suis allergique à l’Iphone, et que, soit dit en passant,
je n’ai pas la télé.
« Qu’à cela ne tienne, dans
l’attente d’avoir Facebook au boulot demain, je vais faire autre chose ».
Oui, mais quoi ? Fort heureusement dotée d’un frigo gargantuesque, je
m’empressais de confectionner trois cakes pour les coller illico dans le congèl
tout aussi gargantuesque. Puis j’ai lu un vrai livre, avec des pages en papier.
Puis j’ai fait les courses parce que je n’avais que des choses congelées à
manger et que je voulais du frais. Et c’est quand j’ai commencé le ménage que
je me suis dit que quelque chose clochait.
« Je suis donc incapable de
rester une soirée sans ordinateur ? Je fais quoi d’habitude ? ».
D’habitude, je lis mes mails, y compris les offres Groupon qui offrent des
promotions sur un nettoyage du colon. Je vais sur Facebook, et apprends que Brian
Zrt, que je n’ai pas vu depuis 5 ans et dont je ne me rappelle plus le vrai nom,
a été deux fois à la piscine cette semaine. Je lis Le Monde, mets en statut Facebook l’un des articles
estampillé comme « les plus partagés » et constate qu’au moins cinq
de mes amis ont posté le même article, ou celui qui figurait juste en dessous
dans la liste. Par solidarité, je like leur article pendant qu’ils likent le
mien. Je recherche l’adresse de l’assurance maladie pour y envoyer des
documents.
Entre temps, je me rappelle que je ferais bien un cheesecake et
cherche une recette. Quand j’ai épluché 3 blogs de cuisine et que j’en suis,
par diverses associations d’idées dont je vous ferai grâce, à étudier la recette
du magret de canard au Porto, je me dis que ça suffit, et j’éteins mon ordinateur.
Je le rallume pour aller sur le site de l’assurance maladie. Avant
cela, je regarde une série, jusqu’à ce que mon ordinateur plante
(rappelez-vous, il était agonisant). Au final je suis trop fatiguée pour
chercher l’adresse de l’assurance maladie, et je vais me coucher.
Ce constat peu glorieux fait, je
décidais de lutter, et de prouver au monde que je n’avais pas besoin
d’ordinateur pour occuper mes soirées. Je proposais un ciné à une amie ;
elle m’a demandé de choisir le film et la séance (peux pas, j’ai pas Internet).
Je demandais à un autre si une expo le tentait. Oui, dit-il, prend ton billet
en ligne pour qu’on ne fasse pas la queue (peux pas, j’ai pas Internet). Je craquais
lorsque, ayant donné rendez-vous à une troisième à une station de métro, sans
autre programme que de « prendre un verre » (elle n’avait pas poussé
le vice jusqu’à me demander de choisir un bar en ligne), je me retrouvais à
poireauter. Ayant joint l’intéressée, elle s’étonna : « Mais ?
Tu n’as pas eu mon mail ? J’ai un imprévu au boulot, je ne peux pas,
désolée ! ».
Trois jours plus tard, lorsque,
au fond du gouffre, j’ai récupéré mon ordinateur, mon appartement n’avait
jamais été aussi propre. Heureusement, j’ai eu le temps de m’en remettre,
notamment grâce à une tarte au citron dont j’ai trouvé la recette en ligne et…
ça me fait penser qu’il faut que je regarde l’adresse de l’assurance maladie.
Et les 2 liens du jour - pour ceux qui ont Internet bien sûr !